mardi 21 octobre 2008
Francesca Curti, Committenza, collezionismo e mercato dell'arte tra Roma e Bologna nel Seicento La quadreria di Cristina Duglioli Angelelli
La grande mode récemment développée des études sur l'histoire du goût a permis sortir de l'ombre des collectionneurs, longtemps éclipsé par le prestige de leurs biens artistiques. Aussi ponctuelle soit-elle, cette tendance de la recherche a le mérite de déborder du cadre de l'histoire de l'art, ou du moins de rattacher la disciple à l'évolution sociale selon les époques, les lieux, voire les personnes. Dans l'Italie du XVIIe siècle, on observe une forte demande des notables et grands bourgeois, faisant concurrence au mécénat princier si caractéristique de la Renaissance. Cristiana Duglioli Angelelli appartient bel et bien à cette nouvelle catégorie d'amateurs d'art, rien d'étonnant jusque là. Sauf qu'il s'agit d'une femme, cas rare voire unique dans un tel contexte.
Mariée au sénateur bolonais Andrea Angelelli, Cristiana a en effet constitué une collection en parallèle de celle de son époux, assassiné en 1643. Ce meutre provoquera le départ de la veuve pour la Ville éternelle, où elle réunit un ensemble comptant de nombreux tablaux baroques d'artistes contemporains. A côté des pièces d'orfèvrerie, Cristiana fait la part belle aux plus éminents maîtres de la première moitié du XVIIe siècle. Au-delà de l'intérêt esthétiquer, faut-il y voir un désir d'égaler le prestige des grandes familles romaines vivant dans le voisinage de Cristiana Duglioli Angelelli, à savoir les Barberini, les Pamphili et les Aldobrandini ? L'inventaire dressé à la mort de la collectionneuse en 1669 comptait 29 tableaux, essentiellement italiens. Quelques hollandais néanmoins trouvèrent place dans cet ensemble, comme une Scène d'école de Michael Sweerts que Francesca Curti identifie avec une toile aujourd'hui à Berkeley Castle, en Grande-Bretagne.
Partant de cette liste post-mortement jusqu'alors rarement exploitée, L'auteure s'est efforcée de retrouver les oeuvres de Cristiana en proposant des rapprochement parfois inédits. Parmi les tableaux caravagesques se distingue un Dédale et Icare de Bartolomeo Manfredi, peut-être l'un des seuls élèves du maître du clair-obscur, qui donne une saveur psychologique assez savoureuse dans cet instant d'avant le drame fatal, tandis qu'un Saint Jérôme écrivant de Valentin de Boulogne est malheureusement perdu_ peut-être une variation sur l'un des tableaux peints sur le même thème par Caravage (Monserrat, monastère ; Rome, Galerie Borghèse) ? De Mattia Preti, originaire de Calabre mais actif aussi bien à Rome qu'à Naples, beaucoup d'oeuvres sont mentionnées et peu ont été retrouvées. C'est le cas des Evangélistes Luc et Jean passés sur le marché de l'art, et surtout du joyau du joyau de la collection, La Crucifixion de saint Pierre. Cette composition puissamment dramatique, dont le thème avait aussi été traité par Caravage ou Guido Reni dans ses jeunes années, se distingue non seulement par sa qualité esthétique incontestable, mais aussi par un historique prestigieux. Directement commandée par Cristiana à l'artiste, la toile se trouvait à la fin du XVIIe siècle entre les mains d'une autre collectionneuse, la reine Christine de Suède ; passée par la collection du duc d'Orléans, elle est désormais visible au Musée des Beaux-Arts de Grenoble.
Autre thème favorisé par la peinture baroque, La Mort de Cléopâtre (Milan, Collection Koelliker) revient à un peintre peu connu, Niccolo Tornioli (dont la Galleria Spada conserve à Rome Les Astronomes), natif de Sienne mais plutôt actif à Bologne. La cité émilienne est d'ailleurs l'un des points forts de la collection de Cristiana Dugliolo Angelelli, qui comprenait une Crucifixion de Guido Reni (aujourd'hui dans l'église de San Lorenzo in Lucina à Rome), un petit tableau de l'Albane représentant La Vierge en gloire avec saint Jérôme et saint François d'Assise (Bologne, Pinacoteca Nazionale), et surtout la très réussie Résurrection du Christ d'Annibale Carracci, une des meilleures compositions du peintre avant son départ pour Rome. La fortune de ce retable mérite d'être contée, car il s'agit bien à l'origine d'un tableau exécuté pour la chapelle privée d'un palais, bâtiment acquis avec ses biens en 1593 par Giovanni Angelelli, le beau-père de Cristiana, cette dernière l'ayant par la suite emmené avec elle à Rome en 1645. Son fils Francesco le rapporta en 1650 à Bologne, avant que le tableau ne soit de nouveau à Rome où il apparaît parmi les biens de l'inventaire post-mortem de Cristiana en 1669. On sait que, par la suite, La Résurrection revint finalement à Bologne en 1674 où elle ne bougea pas, jusqu'à son transfert définitif à Paris par les troupes napoléoniennes. Du palais bolonais au Louvre en passant par la collection romaine, c'est dire combien le culte religieux fit de plus en plus place à la ferveur esthétique. Derrière ces aléas de l'Histoire et ces histoires de famille, le curieux ne peut que s'essayer à l'archéologie du goût_ surtout à travers l'exemple singulier mais significatif d'une femme s'affirmant par le biais de la collection artistique
Francesca Curti, Committenza, collezionismo e mercato dell'arte tra Roma e Bologna nel Seicento La quadreria di Cristina Duglioli Angelelli, préface de Silvia Danesi Squarzina, Rome, Gangemi Editore, 2007, 157 p., 26 euros.
Crédits photographiques : © musée de Grenoble
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