samedi 6 juin 2009

Une saison italienne au Musée d'Orsay : L'Italie des architectes, du relevé à l'invention Dessins d'architecture de la collection du musée d'Orsay

A l'instar de leurs collègues peintres ou sculpteurs, la voyage en Italie se confondait avec un rite initiatique incontournable pour les architectes français. Au XIXe siècle, le séjour n'avait rien d'une nouveauté, et l'École des Beaux-Arts continuait à octroyer chaque année le Prix de Rome à un élève méritant. Au-delà de l'aspect purement scolaire du séjour à la Villa Médicis, certains dessins des lauréats reflètent l'affirmation d'une prédilection particulière, future signature de leurs grands chantiers. Premier Prix en 1848, Charles Garnier admire l'ampleur légère de la cour du Palais des Doges ou la richesse chromatique des basiliques paléochrétiennes, sources prestigieuses qu'il saura assimiler et revendiquer avec un brio incontestable lorsqu'il bâtira l'Opéra de Paris quelques années plus tard.
Les préférences de Garnier sont, par ailleurs, particulièrement révélatrices de la positions des architectes face à l'héritage italien : toujours admiratifs devant les monuments antiques, ils élargissent leur répertoire à des édifices médiévaux ou des Temps modernes, et prônent aussi une architecture colorée, directement issue des vestiges des cités du Vésuve. Fouillés à partir des années 1730, les sites napolitains avaient dès leur exhumation inspiré la création européenne pour leur caractère voluptueux voire licencieux. Ce luxe décoratif fait toujours son effet sur un architecte tel que Duban, auquel on doit de très colorées élucubrations sur les espaces domestiques des Anciens, ornés de tentures rouges et de nymphes à peine vêtues.


Les progrès scientifiques de l'archéologie accompagnent cette vague éclectique, qui accorde à d'autres civilisations que les Romains prestige et autorité. Dans le sud de la péninsule, les temples grecs de Sélinonte et Paestum attirent l'attention depuis le milieu du XVIIIe siècle, car ils sont alors considérés comme des témoignages exemplaires de la sobre grandeur hellénique : ainsi doit-on comprendre les reconstitutions de Viollet-le-Duc, sur les pas de Soufflot. Ces sanctuaires antiques fascinent Hitthorff, qui s'essaye à rebâtir sur le papier façade et intérieur. Quelle que soit la validité de ces tentatives, il en adoptera les caractéristiques spatiales pour Saint-Vincent-de-Paule ou même la Gare du Nord.
La Grèce proprement dite devient une nouvelle destination prestigieuse pour les jeunes lauréats, surtout le très mobile Louis Boitte. Lors de son séjour à la Villa Médicis de 1840 à 1845, ce futur architecte de Fontainebleau effectue de nombreux périples, de Florence à Mycènes. Il ramène de ces escapades didactiques de nombreuses études, à mi-chemin entre notation empiriste et impression lyrique : les églises toscanes du Trecento, l'Erechteion d'Athènes ou le Forum romain sont plongés dans une lumière crue pour en souligner les lignes à des fins tant pédagogiques que décoratives. Pourvu d'un sérieux bagage intellectuel et d'une sensibilité toute aussi grande, Boitte participe en 1883 au second concours pour le Monument à Victor-Emmanuel II. Grandiose, son projet revisite toute la grammaire des styles, de l'antique au baroque, et invoque même des souvenirs du Pincio ou du Capitole. Cette proposition compta assurément parmi les plus brillantes, mais ne permit pas à Boitte de remporter le concours : peut-être faut-il voir dans cet échec le désarroi d'une jeune nation devant le talent presque insolent d'un étranger, capable de synthétiser tout le génie de l'architecture italienne...

L'Italie des architectes, du relevé à l'invention Dessins d'architecture de la collection du musée d'Orsay du 7 avril au 19 juillet 2009 Musée d'Orsay (Niveau 0, salles 19 et 20), 1 rue de la Légion d'Honneur 75007 Paris. Ouvert tous les jours sauf le lundi de 09H30 à 18H00 ; nocturnes le jeudi jusqu'à 21H00. Tarif : accès avec le billet pour les collections permanentes.

Références photographiques :
- Eugène Viollet-le-Duc, Fragment d'architecture pompéienne pour Histoire d'un dessinateur, crayon et aquarelle, 17x10,8 cm, Paris, Musée d'Orsay

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