mardi 28 octobre 2008

Accrochage d'automne à la Galerie Artesepia

A l'occasion des expositions d'Automne rive gauche, dans la rue Verneuil (autrement plus connue pour la maison de Serge Gainsbourg...), la galerie Artesepia présente ses dernières acquisitions_ essentiellement des dessins originaires de toute la péninsule italienne, de la Renaissance au XIXe siècle. On peut aussi y voir un bel ensemble d'oeuvres dues à des artistes français qui, dans leur majorité, ont mis sur le papier ce qu'ils virent lors d'un séjour transalpin. Il y a même un flamand "vénétianisé", Ludwig Toeput dit Pozzosserrrato, représenté par une délicate Aubade en barque dans un parc : dans ce dessin jouant sur les effets atmosphériques du lavis domine une ambiance courtoise, au sein d'un jardin au bord de l'eau, qui paraît une fête galante avant l'heure.


Parmi les feuilles les plus anciennes, un beau paysage de Domenico Campagnola illustre magistralement la manière sensible de cet artiste padouan du début du XVIe siècle, dont on confond encore parfois la main avec celle de Titien. Il est vrai que Campagnola est particulièrement habile à rendre le monde champêtre par un jeu de fines hachures, esquissant les courbes des vallons et les toits de chaume, tout en restituant la paisible harmonie d'une nature sauvage avec l'environnement humain. Du côté de la Vénétie encore mais autour de 1600, Palma Giovane est à l'honneur avec deux dessins autographes, dont un Tarquin et Lucrèce, dont les lignes nerveusement mêlées traduisent la tension effroyable avant le viol imminent. D'après le même artiste, une bataille âpre mais cadencée reprend une composition peinte pour la Salle du Grand Conseil au Palais des Doges. Le dernier chapitre artistique de la Sérénissime est brillamment évoqué par Francesco Guardi et ses quelques spectateurs d'un tableau, figures croquées dans une manière vibrante et déliquescente à la fois, comme si l'artiste pressentait que son art participait à un chant du cygne...


Aucun grand centre baroque n'est oublié : le génois Giovanni Battista Poggi, auteur d'une Crucifixion de saint André et d'une Ascension, perpétue le style "géométrique" de Luca Cambiaso avec une emphase propre au XVIIe siècle ; l'école romaine se distingue avec une sanguine attribuée à Maratta, Vénus donnant des armes à Enée, où l'on sent poindre à la fin du Seciento cette élégance légère qui se muera bientôt en rococo (et le sujet mythologique sera d'ailleurs mis à l'honneur par les peintres français sous Louis XV) ; à Naples, Salvator Rosa provoque des émules comme en témoigne une petite copie de son Glaucus et Sylla (l'original est conservé à Bruxelles), où l'artiste anonyme a modéré le clair-obscur du tableau initial pour une palette éclaircie qui, du même coup, rend plus visible le geste brutal de la créature marine...On n'oubliera évidemment pas Bologne avec Le Jugement dernier de Giovanni Andrea Sirani, un élève de Guido Reni qui délaisse dans cette petite composition la grâce de son maître pour une mise en page subtilement chaotique, opposant l'élan impérieux du Christ aux assauts furieux d'un démon_ c'est la fin des temps dans quelques centimètres carrés !

Mentionnons encore Venise, où Fabio Canal dessine au début du XVIIIe siècle une très gracile Allégorie de l'Histoire, dans laquelle la ligne compte autant que les vides et les aplats. Longtemps ignoré voire méprisé, le XIXe est d'habitude le grand absent le panorama esthétique de l'Italie, surtout en ce qui concerne les arts graphiques. La surprise est pour le moins agréable avec Un Mendiant avec un enfant dans les rues de Naples (1840) d'Achille Vianelli, une scène de genre pittoresque au possible, qui semble prendre ses racines dans les petits miséreux de Zurbaran et Ribera, et connaîtra en tout cas une certaine fortune en France auprès de Théophile Gautier ou d'Ernest Hébert.

La France, justement, est l'autre grand axe de cet accrochage, autour surtout de paysages tous plus ou moins liés à l'Italie. Le rapport s'opère d'une part par le biais de vues imaginaires, notamment des caprices et des paysages avec monuments antiques, proches d'une veine largement développée par Giovanni Paolo Panini à Rome. De la Ville éternelle, plusieurs représentations du Panthéon et du Colisée exécutées entre le milieu du XVIIIe siècle et les années 1820, perpétuent le culte du monument antique, non sans ajouter quelques promeneurs anecdotiques ou rendre l'éclat de la lumière romaine frappant les témoins glorieux du passé. On conclura avec un véritable coup de coeur, prenant la forme d'un hommage d'un maître à un autre : il s'agit d'une copie de Fragonard de La Présentation au Temple qu'avait peinte Véronèse sur les volets d'orgue de l'église vénitienne de San Sebastiano. Par-delà les siècles, les deux immenses artistes se rejoignent dans ce même amour de la lumière claire, de la composition simple mais gracieuse et du mouvement suspendu dans la sérénité de l'instant. Si l'on ignorait la chronologie, on se laisserait aller à penser que Véronèse enseigna directement son art auprès de Fragonard. C'est, littéralement, une de ces belles pages d'un dialogue intemporel entre l'Italie et ceux qui la contemplent...

Je remercie vivement Georges et Angélique Franck, à la tête de la galerie Artesepia, pour leurs informations et leurs visuels aimablement transmis.

Galerie Artesepia, 40, rue de Verneuil, 75007 Paris. Ouvert du mardi au samedi de 11H00 à 12H30 et de 14H00 à 19H00. Tél. : 01 42 96 29 21.

Références photographiques :
- Carlo Maratta (attribué à), Vénus donnant des armes à
Enée, sanguine sur papier, 26,8x19,5 cm
- Achille Vianelli, Un Mendiant avec enfant dans les rues de Naples, 1840, crayon et aquarelle, 22,3x14,7 cm
- Jean-Honoré Fragonard (d'après Véronèse), La Présentation au temple, contre-épreuve à la pierre noire, 19,8x29 cm

1 commentaire:

Anonyme a dit…

wouah